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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

— Qui se serait attendu à tant de violence chez Raymond ?

— Ses accès de colère sont fort rares, répliqua madame Fleuriot avec un soupir, et ils ne se manifestent jamais que pour une chose juste… Mais alors il me fait peur à moi même.

— C’est de la folie… Où en serait-on dans la carrière administrative si l’on devait s’emporter pour les passe-droits et les mauvais procédés dont on a constamment à se plaindre ?

— Peut-être, monsieur Vincent, répliqua Lucile en baissant la voix, la colère de Raymond n’est-elle pas aussi déraisonnable qu’elle en a l’air ; il s’agit de faits bien plus sérieux qu’un simple changement de résidence.

— Et de quoi s’agit-il alors, ma chère Lucile ? En effet votre frère, tout à l’heure, a dit des choses qui me paraissent inintelligibles. Contez-moi donc, je vous prie…

— Non, non, Raymond va rentrer, et il m’en voudrait mortellement de vous avoir fait cette confidence. Plus tard peut-être nous permettra-t-il…

— Mais songez donc, Lucile, que je vais prendre congé de vous ce soir, que je dois partir demain avant le jour, et que je vous reverrai seulement dans un mois pour la conclusion de notre mariage. Si, comme je le suppose, il s’agit d’une affaire concernant notre administration, ne serait-il pas utile que j’eusse connaissance…

— Ne me pressez pas à ce sujet, monsieur Georges, je vous en prie… N’est-ce pas, mère, que Raymond ne nous pardonnerait pas cette indiscrétion ?

— Sans aucun doute, ma fille, et il est meilleur juge que nous… Mais, silence, le voici.

En effet, Raymond Fleuriot rentrait en ce moment. Il était pâle, mais calme.

— Excusez-moi, monsieur l’inspecteur, dit-il avec son accent habituel ; excusez-moi aussi, ma bonne mère, et toi