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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

Enfin Raymond étant tombé épuisé sur un siége, sa mère et sa sœur coururent à lui, et, toujours pleurant, le comblèrent de caresses.

— Je t’en supplie, mon Raymond bien-aimé, disait ma dame Fleuriot, songe à ce que tu vas faire ! La colère t’aveugle : elle ne peut te suggérer que des résolutions désespérées, dangereuses ou impraticables… Mais, si tu t’abandonnes toi-même, pense du moins, je t’en conjure, à ta pauvre vieille mère, qui ne vit que par toi !

Lucile, de son côté, lui disait :

— Frère chéri, est-ce là cette force d’âme dont tu nous as donné tant de preuves ? Un chef de famille peut-il se laisser aller à ces emportements insensés ? Avant de prendre une telle détermination, ne devrais-tu pas t’assurer que tu n’es pas trompé par de fausses apparences, que tu ne vas pas exposer ta position et la nôtre par un misérable coup de tête ?… Raymond, mon sage et généreux frère, je t’en conjure, attends vingt-quatre heures avant d’agir !

Les paroles de Lucile semblèrent produire une certaine impression sur Fleuriot.

— Crois-tu vraiment, ma sœur, reprit-il avec hésitation, que je puisse me tromper ! Crois-tu que je ne sois pas sur la trace du crime le plus monstrueux, de la perfidie la plus lâche ?… Eh bien ! poursuivit-il en se levant, laissez-moi mettre un peu d’ordre dans mes idées… J’ai la tête perdue… Excusez-moi, Georges, je reviens à l’instant.

Il passa dans le jardin, que les ombres du soir envahissaient déjà, et disparut sous la tonnelle de vigne, où le silence et l’obscurité ne pouvaient manquer d’exercer sur lui leur action calmante.

Après son départ, Vincent et les deux femmes ne se hâtèrent pas de prendre la parole. Enfin, tandis que madame Fleuriot allumait un flambeau, l’inspecteur dit d’un air pensif :