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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

bureaux de l’administration centrale, a eu lieu une enquête au sujet des prévarications dont on soupçonne l’employé Brandin. À cette occasion j’ai dû donner au directeur général des renseignements très-détaillés sur chaque employé de ma ligne. Quand nous en sommes venus à vous, j’ai exprimé tout le bien que je pense de votre service et de votre personne…

— Et le directeur général, qu’a-t-il répondu ?

Après m’avoir écouté avec attention, il m’a dit tranquillement : « Eh bien ! monsieur Vincent, puisque ce Fleuriot est un employé si capable, il faudra me le présenter pour de l’avancement ou du moins pour une gratification, »

Raymond se leva tout pâle.

— Est-ce possible ! s’écria-t-il ; mais je comprends, mon sieur Georges… vous m’aimez et vous voulez relever mon courage.

— Eh ! diable d’homme, est-il nécessaire d’affirmer encore sur l’honneur que je ne dis rien que de vrai ?

— C’est impossible… impossible ! répétait Raymond dans une agitation extraordinaire. Vous devez savoir, Vincent, que mon envoi dans ce pays perdu, quand nous étions si heureux en Touraine, est le résultat d’une disgrâce, que je suis l’objet des plus inflexibles, des plus puissantes inimitiés.

— Où diable avez-vous pris tout cela ? Quant à moi, je ne sais rien de pareil ; et pourtant j’ai compulsé depuis peu le dossier qui vous concerne, et qui est conservé dans les cartons de l’administration centrale. Toutes les pièces s’y trouvent, depuis vos états de service militaire, si beaux et si honorables, jusqu’aux derniers rapports rédigés par moi-même. Or, j’ai constaté que ce changement de résidence, dont vous vous plaignez aujourd’hui, avait été demandé par votre inspecteur, sur votre sollicitation personnelle ; on faisait valoir que, étant chargé de famille, vous espériez,