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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

— Brave enfant, dit madame Fleuriot attendrie, as-tu besoin de mon pardon ?

— Raymond, dit Lucile à son tour en fondant en larmes et en venant embrasser son frère, voilà donc pourquoi tu passais des nuits à l’ouvrage ?

— Sur ma foi, reprit Georges avec chaleur, j’aurai en vous, mon cher Fleuriot, le plus digne et le plus excellent beau-frère… Mais si mademoiselle Lucile veut me croire, nous n’accepterons pas cet argent. J’ai fait moi-même, en dépit de cette légèreté qu’on me reproche, quelques économies, et je subviendrai sans peine…

— Ne parlons plus de cette bagatelle, interrompit Ray mond d’un ton péremptoire ; je rougis d’offrir à ma sœur bien-aimée un présent si humble quand elle va entrer en ménage, et l’on me blesserait par un refus… Laissons donc cela, je vous en prie, et causons d’un sujet bien autrement important, qui touche bien autrement aux sentiments les plus sacrés de nos cœurs… Il s’agit de fixer le sort de notre excellente mère ici présente… Nous ne pourrons plus désormais vivre tous sous le même toit, et il lui faudra choisir entre son fils et sa fille.

— Hélas ! c’est vrai, dit la pauvre madame Fleuriot en cachant son visage dans ses mains.

— Mais j’espère bien qu’elle me suivra dans ma nouvelle résidence ! s’écria Lucile avec anxiété ; que deviendrais-je seule à Paris, quand mon… quand M. Vincent sera en tournée ? N’est-ce pas, maman, que vous ne voulez pas me quitter ? Une mère ayant à choisir entre son fils et sa fille, n’est-ce pas à la fille qu’elle doit accorder la préférence ? J’aurai tant besoin de votre expérience, de vos conseils !… Monsieur Georges, dites-lui donc que nous ne pourrons nous passer d’elle ?

— Certainement, mademoiselle, madame Fleuriot doit être assurée…