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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

les âpres aiguillons de la jalousie. Quant à moi, je le reconnais, en dépit de ma philosophie et des suggestions de mon orgueil blessé, je ne vois pas sans un violent déplaisir les avances que vous faites chaque jour à Raymond Fleuriot, D’autre part, j’imagine que mes assiduités auprès de la pe tite institutrice ne vous sont pas tout à fait indifférentes, et telle est la double cause de la mésintelligence qui éclate parfois entre nous… Cependant nous aurions tort de nous quereller et de nous contrecarrer mutuellement, quand toutes nos forces sont nécessaires pour tenir tête aux difficultés présentes.

— Fort bien, Cransac ; voilà enfin de sages paroles, répliqua Fanny avec une apparente douceur. Si nous nous aimons encore, voilà ce que je ne saurais dire ; mais, dans les circonstances actuelles, nous ne pouvons en effet pas grand’chose l’un sans l’autre, et nous avons tout intérêt à nous entendre ; ainsi vous renoncez à ce départ subit et ridicule, n’est-ce pas ?

— Peut-être… nous verrons… Je me suis laissé aller d’abord à un sentiment puéril qui mérite réflexion ; je dois examiner les choses de plus près avant de prendre un parti… Eh bien ! Fanny, ajouta-t-il en souriant et en lui ten dant la main, la paix est-elle conclue entre nous ?

— Oui, Hector, répliqua la Parisienne qui laissa tomber sa main blanche et fine dans celle du vicomté ; et puisque la sotte affaire de ce matin a éveillé en vous certains scrupules, nous nous arrangerons pour leur donner satisfaction. Ne pourriez-vous, par exemple, vous en remettre sur moi de tous les détails qui vous seraient pénibles ? Je n’ai pas failli être mordue par une bête enragée, moi, je n’ai contracté d’obligation envers personne, et je conserve toute ma liberté d’action… si vous voulez bien me l’accorder.

— Irrésistible sirène ! Allons ! j’aurai recours à vous si, comme je le crains, je suis obligé d’en venir à des capitulations de conscience… Mais vous me faites oublier que