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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

— Plus bas, Fanny, parlez plus bas… Etes-vous folle ?

Le sourire reparut sur les lèvres de la Parisienne.

— À la bonne heure ! reprit-elle ; tenez, Hector, bornons-nous aux taquineries et aux petites perfidies sourdes, je vous le conseille ; n’en venons pas à une rupture ouverte, car nous aurions à le regretter l’un et l’autre.

Le vicomte lui-même commençait à être de cet avis ; il voyait avec effroi qu’il fallait compter avec cette femme avide, au cœur sec, à laquelle il avait eu l’imprudence de confier ses dangereux secrets. Les sentiments d’honneur et de reconnaissance que l’événement de la matinée avait réveillés en lui s’amoindrissaient déjà devant les sarcasmes de cette créature corrompue. Il reprit sa promenade à travers la chambre et paraissait en proie à une vive anxiété, qu’une circonstance nouvelle vint augmenter encore.

On sonna à la porte extérieure, et au bout de quelques minutes le groom anglais entra, portant deux lettres sur un plateau. Cransac les prit, et, après avoir congédié le domestique, se mit à les lire avec avidité ; puis il continua d’aller et de venir en silence.

— De mauvaises nouvelles, Hector ? demanda Fanny d’un ton calme, comme si aucune discussion ne se fût élevée entre eux.

— Très-mauvaises, répliqua le vicomte ; du reste, au point où nous en sommes, je ne vois pas pourquoi je vous en ferais mystère, car elles peuvent singulièrement influer sur nos projets ultérieurs à l’un et à l’autre… De ces lettres l’une est de Colman, l’autre de Brandin, et je ne sais laquelle des deux doit être considérée comme la plus inquiétante.

— Ce Brandin n’est-il pas l’employé de Paris qui vous envoie chaque jour des signaux particuliers ?

— Précisément ; cet homme m’annonce que, à raison de la surveillance étroite dont il est l’objet, il ne pourra désormais me fournir les indications habituelles aussi régu-