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les vierges de syracuse

pour se reporter sur Anticlée. D’un geste charmant, elle élevait au bord de son épaule le vase des grains offerts en prémices à la Déesse ; ce vase d’un émail bleu et transparent avait la forme allongée d’un luth, et pour l’empêcher de vaciller, Anticlée arrondissait son bras au-dessus de son front, tandis que les plis de son péplos retombaient en éventail le long de sa gorge. Derrière elle, et toutes deux sur le même plan, venaient Naïs et Meltine, les vierges jumelles ; elles tenaient une corbeille d’or pesante, qui pendait très bas entre leurs flancs et dans laquelle étaient des gâteaux de miel en forme de croissants lunaires ; et elles étaient si pareilles toutes deux que leurs couronnes de pavots sur leur tête devaient compter le même nombre de pétales, et que la même brebis immaculée devait avoir fourni la laine de leurs vêtements. Dans le peuple les femmes surtout les admiraient, se sentant émues de cette parité si parfaite, de ces deux roses blanches poussées sur le même rosier. Et des voix enrouées par les larmes murmuraient : « Les deux colombes ! Ne dirait-on pas qu’elles vont s’envoler ensemble chez Zeus tout puissant ? » Et en effet, l’air était si léger, si doux, une brise si voluptueuse soufflait en ce moment de la mer, que les deux jeunes Vierges eussent pu, semblait-il, prendre leur essor au-dessus de la blanche Ortygie, n’eût été la lourde corbeille dont l’or