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les vierges de syracuse

Et tout autour des voix s’élevaient :

— C’est impossible ! c’est impossible ! autant vaudrait souffler sur le fort Euryale pour le mettre en mouvement !

Sur le rivage Archimède, le front incliné, ne souriait plus. La galère était devant lui, chargée à n’y plus pouvoir faire tenir une drachme, avec son équipage d’hommes robustes et ses marchandises d’une lourdeur extrême. Archimède la soupesait du regard : il l’examinait avec cette expression de défi de l’homme qui va se mesurer à la matière inerte et qui n’a pour lutter contre elle que la force de son génie. Et, comme il n’y a que les intempérants ou les fous dont l’assurance ne soit jamais traversée d’un doute, il se repliait sur lui-même en cette minute décisive et comparait le souffle immatériel qu’étaient sa compréhension et son âme, avec l’énorme masse qu’il s’était flatté de mouvoir à lui seul. Enfin il se redressa et, sans regarder personne, dans le silence imposant qui s’était fait autour de lui, sans effort apparent, il tourna de la main l’axe de la roue qu’il avait apportée, et à laquelle se reliaient les cordes dont l’extrémité avait été attachée à la galère. Aussitôt l’énorme navire aux flancs arrondis se mit en marche avec autant d’aisance que s’il eût glissé sur les flots d’une mer paisible. On le voyait avancer d’un rythme égal, sans tressaillement