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les vierges de syracuse

Gullis ouvrit largement la bouche et se mit à rire ; et son rire éclatait par saccades, comme le hennissement d’une cavale. En même temps son visage épais se plissait de grosses rides qui semblaient des cordes tendues sur un buisson flétri par l’automne. Lorsqu’elle se fut ainsi soulagée, elle reprit en regardant les yeux désolés de Fanie :

— Heureusement, ma petite, que toutes les femmes ne sont pas comme vous ; sans quoi, il n’y aurait pas beaucoup de bon temps pour les hommes. Quant à moi, vous pouvez m’en croire, qu’Orthon soit à la maison, dans la boutique ou sur la place, je ne songe guère à m’en tourmenter.

— C’est qu’Orthon n’est pas aussi aimable que Dorcas, répondit Fanie avec un sourire ingénu.

— Ça dépend des goûts. Orthon a bien ses défauts ; il est avare et gourmand : entre une drachme reluisante et un plat de gras-doubles assaisonnés de safran, je ne sais en vérité lequel il choisirait de préférence. Mais c’est un homme convenable et régulier ; je ne crois pas qu’il y ait sur toute l’île beaucoup de maris plus exacts que lui dans le devoir conjugal.

Fanie rougit et évita de répondre. Il y avait longtemps qu’elle avait pris en dégoût le couple peu harmonieux que formait Gullis, énorme et haute en couleur, avec l’orfèvre, chétif et jaune, qui lui arrivait à peine à l’épaule. Toutefois, en