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les vierges de syracuse

à sa fragile épouse, la délicieuse sensation de s’anéantir dans son amour et que cet amour fût tout l’infini. Dorcas ne revenait point. Et des larmes tombaient des yeux de la jeune femme, quand une voix railleuse et haute l’interpella :

— Eh bien ! Fanie, petite lumière, vous voilà transformée, vous aussi, en fontaine ! Prenez garde que vos joues ne se creusent comme des rigoles à force de pleurer.

Fanie s’essuya vivement les paupières ; il lui déplaisait d’être surprise ainsi dans son chagrin ; et par qui ? par Gullis, la vilaine femme de l’orfèvre Orthon, une vigoureuse commère, indiscrète et bavarde, que toutes les Syracusaines de la ville et du port redoutaient pour sa curiosité.

— Je ne pleure pas, dit-elle. (Ce mensonge envers Gullis ne lui coûtait guère.) Je m’inquiète seulement de voir l’heure passer sans que Dorcas soit rentré à la maison.

— Ce n’est que cela ! dit Gullis. En ce cas vous pouvez attendre encore. Ne savez-vous donc pas qu’il s’est rendu à la fontaine Aréthuse où une inondation s’est produite, paraît-il ? Orthon, qui était ce matin au palais, l’a vu partir avec toute une suite d’hommes et des machines pour faire refluer le cours des eaux.

— Par la Moire ! s’écria Fanie, pourvu qu’il ne lui arrive rien !