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les vierges de syracuse

dieu. C’était lui d’abord qui l’avait aimée le premier ; et maintenant, après six années de félicité commune, elle éprouvait pour lui cette reconnaissance attendrie de l’épouse dont la destinée tout entière s’est fondue en celle de l’époux, et dont rien, ni dans la chair ni dans l’âme, n’existe qui ne soit imprégné de lui. Dorcas était son héros, son dieu ; il possédait la beauté physique et la beauté morale ; il était robuste et bon, doux et fort ; il avait pour elle, délicate et frêle, des attentions semblables à celles qu’il eût eues pour un enfant ; quand il la prenait dans ses bras le soir et baisait les boucles floconneuses de sa chevelure, elle croyait, en fermant les yeux, sentir encore sur son front la caresse des lèvres maternelles. Et que d’autres émotions encore l’amour de Dorcas ne lui procurait-il pas ! Souvent, ils allaient ensemble à la pointe extrême de l’île voir se coucher le soleil sur les flots. Le grand arc azuré de la mer prenait tour à tour toutes les couleurs de l’iris jusqu’à ce qu’il s’éteignît tout à fait pour sombrer lui-même dans quelque nouvel abîme. Alors il semblait aux deux époux qu’ils étaient seuls, l’un à l’autre, sur la terre primitive, entre la rive déserte et le ciel peuplé de leur rêve. Et ils rapprochaient leurs lèvres tremblantes, et leurs poitrines gonflées du ferment de la vie.

Mais ce soir, le soleil cruel ensanglantait l’horizon sans que Dorcas fût là pour donner à Fanie,