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les vierges de syracuse

les ait enivrées pour toujours ; qu’elles te le disent avec la tendresse de la lyre mélodieuse touchée par la main délicate d’Orpheus, avec la douceur du son de la flûte par où le chevrier berce sa mélancolie et la confie aux étoiles ; qu’elles te le clament avec l’ardeur de Pan victorieux ayant enfin retrouvé sa compagne parmi le troupeau des fuyantes Oréades… Je t’aime, Praxilla ; et quand la voûte du ciel devrait s’écrouler en cet instant sur ma tête, je ne regretterais rien, pas même de mourir sans avoir vu le triomphe de nos libertés.

— Tais-toi, tais-toi, dit vivement Praxilla ; ne blasphème point ! La Déesse nous punirait. Mais elle ne peut nous en vouloir de célébrer son nom dans la nuit sainte, alors que de tous côtés les vergers de Syracuse tressaillent des échos de sa fête. Dans ce chœur qui s’élève partout à sa gloire, nous formons la note pure, la note désintéressée de l’idéal, celle que le plus souvent on néglige de lui faire entendre. Et pourtant n’est-ce pas que le bonheur est à nous aussi ? N’est-ce pas qu’il est bon, qu’il est doux d’être plongés dans la même extase presqu’immatérielle, et de savoir qu’un même rayon de la lune blanche baigne nos deux fronts ? Vois, j’ai confiance dans ta loyauté : je laisse ma tête enveloppée de ses voiles reposer, doucement sur ton cœur ; et j’en sens les battements traverser mes tempes, frapper comme à la porte d’un tabernacle.