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les vierges de syracuse

cœur impétueux, qui croyait aimer pour la première fois en aimant une créature nouvelle. Puis l’image de la jeune prêtresse, telle qu’il l’avait aperçue dans le mystère du verger sacré, les bras noués aux grappes du caroubier, le visage baisé par la pourpre du couchant, emplissait encore ses regards et peuplait pour lui le clair de lune. Maintenant il la connaissait par les traits, et tout ce qu’il avait deviné d’elle était devenu réalité. Et, certes, point n’était besoin d’en être épris pour estimer que nulle beauté au monde n’était comparable à la sienne, que nulles grâces de femme ne pouvaient égaler sa grâce virginale et ignorée.

Il était parvenu près de l’étang de Cyané, la nymphe aux yeux bleus de bleuet, aussi chaste qu’Aréthuse et plus sensible qu’elle encore. Et il les comparait l’une à l’autre dans sa pensée, en même temps qu’il reportait sur la seule personne de Praxilla toutes les séductions merveilleuses dont la légende avait orné les deux nymphes préférées d’Artémis. Il était dans ce désordre de l’esprit où il semble que la divinité même doit être faite à l’image de l’être aimé, au lieu que ce soit la beauté des créatures qui procède d’un modèle divin. Et il plaçait l’hiérophantide au centre du vaste Cosmos ; il faisait accourir vers elle les admirations, les suffrages de tous les génies de la terre et des espaces ; les Sylvains légers l’adoraient de loin dans le clair