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avaient été servis d’abord. Pour eux on avait déposé des vivres dans tous les petits sanctuaires ouverts aux façades des maisons, dans ces « Hecateia » innombrables consacrées à la Déesse et où elle était représentée en trois personnes distinctes faites de cire de couleur différente : en cire blanche avec le croissant lunaire sur la tête, Artémis céleste, reine de clarté ; en cire rouge avec le serpent dans les mains, Vierge calligénie, fille auguste de Demeter, faisant jaillir parmi l’or des glèbes le sang des pavots ; en cire noire avec la clef sur l’épaule, Perséphone à la chevelure de ténèbres, irrévélée, mystérieuse, gardienne inflexible des âmes. Ainsi la triple Déesse présidait cette nuit aux joies de la foule, et sous ses auspices l’égalité régnait entre la multitude des convives.

Cependant toutes les tables n’étaient pas d’un luxe pareil ; il y en avait de modestes où chacun avait apporté son écot, où le gras-double fumait dans la vaisselle de terre brune ; il y en avait de somptueuses couvertes d’argenterie rare, de disques d’airain et d’or, sur lesquels les chevreaux entiers, cuits dans leur graisse, apparaissaient, leurs jambes minces repliées sous leur poitrine arrondie. Il y en avait où l’on buvait, dans des amphores de vermeil incrustées d’améthystes dont la vertu préserve de l’ivresse, le vin de Byblos vieux de quarante années et aussi parfumé qu’au sortir de la