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à répondre ; et Marcellus dans son camp s’agitait, partagé entre l’espoir de terminer enfin une campagne aussi désastreuse, et la crainte de voir sa proie lui échapper irrévocablement. Quelle atteinte pour sa réputation de capitaine invincible, et surtout quel déchirement pour son cœur ! Car Marcellus était amoureux : il était amoureux de la ville prestigieuse et blonde qui étalait la beauté de ses édifices comme des joyaux à ses bras, comme des perles à sa poitrine ; jamais il n’en avait vu d’aussi admirable ; il n’avait d’aucune autre souhaité la possession aussi ardemment. Et ce qui augmentait encore sa furieuse convoitise, c’était de savoir qu’elle était inviolée, que jamais nul vainqueur n’avait porté sur elle une main tremblante de désir. Malgré les passions qu’elle avait inspirées à tant de guerriers célèbres, elle avait gardé intact le trésor de sa virginité. Toujours elle se dressait, pure et orgueilleuse sous la nue, son Pégase d’or la protégeant de ses ailes ouvertes, et, à ses pieds, la grande mer aux ondes félines et souples étendue comme un sphinx pour la défendre. Ah ! que souvent il l’avait tenue d’avance dans ses regards ! Que souvent il l’avait guettée dans les clairs matins ou les nuits sans lune, prêt à la surprendre par la violence ou par la ruse, à se jeter sur elle et à la marquer de son épée au front — telle une esclave de beauté unique dont s’empare un