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les vierges de syracuse

instant. Il marchait à travers le sentier enfermé entre deux haies d’agaves. Pour la première fois depuis longtemps il se sentait pénétré de bien-être, et comme bercé d’un pressentiment heureux. L’épaisseur de la végétation lui cachait les détails prochains du paysage ; il ne voyait devant lui que la silhouette dorée de la ville et que le disque aminci du soleil qui s’égouttait lentement en larmes d’or dans le vert pâle du ciel. Une lumière fine, vibrante, éthérée, rayonnait du firmament à la terre et de la terre à d’invisibles étoiles. Et Dorcas, comme tous ceux qui sont possédés par l’amour, évoquait dans la beauté de cette radieuse fin de journée une seule image où se ravissait son esprit : Praxilla ! Ne la verrait-il jamais autrement qu’à la lueur blanche des tombeaux ? Ne la verrait-il jamais dans la clarté nue du jour, ou seulement encore parmi les roses que sème l’aurore ? Ne la verrait-il jamais, ne fût-ce que l’espace d’un éclair, comme le pêcheur aperçoit les mouvantes Océanides jouant entre les flots, ou comme le pâtre aperçoit les nymphes dans la gaieté des clairières ? Ses yeux ne seraient-ils pas remplis de cette vision d’elle, dans le printemps embaumé, au milieu des fleurs, mêlant sa jeunesse à la jeunesse de la terre ? Non ! il était condamné à n’aimer jamais qu’une beauté irrévélée, une vierge étroitement enclose dans le secret du sanctuaire…