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les vierges de syracuse

— Voilà qui n’est pas fait pour relever le prestige du parti Carthaginois auprès du peuple !

— Le peuple ! répondit Épicyde avec brusquerie. Mais il ne le saura pas, le peuple ! Il ne faut pas qu’il le sache, entendez-moi bien. Il est tranquille, laissons-le dans son repos.

— S’il est tranquille ! fit Orthon avec une grimace d’ironie. De longtemps on n’avait célébré les fêtes au milieu d’un tel sentiment d’abandon. C’est à croire que le pasteur Aristée veille encore sur les vergers de Syracuse, sa syringe aux bords des lèvres, ravissant à la fois les abeilles et les hommes. Regardez plutôt !

Il s’était approché du belvédère étroit qui dominait l’horizon, et montrait à Épicyde l’immensité de la campagne, de la ville et de la mer. L’aurore commençait à peine à jeter quelques faibles clartés parmi le brouillard nocturne ; et tout dormait dans cette tiédeur, tout reposait sur le berceau rose de la terre, que semblaient envelopper de fragiles mousselines vaporeuses, d’étroits rubans de couleur changeante. L’ardente Syracuse paraissait plongée dans l’immobilité d’un sommeil sans fin. Ni sur les terrasses des toits, ni devant les temples, ni sur les places, on ne voyait s’animer la vie. Et c’était comme une cité peuplée seulement de statues, une cité de héros de marbre et de muses d’or, où les portiques décorés de bas-reliefs et les arcs