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les vierges de syracuse

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— Je ne suis pas du pays, reprit le petit soldat ; je suis de Lacédémone, mais c’est tout comme : tous Doriens, tous frères. On se bat les uns pour les autres, à charge de revanche.

Cet échange de paroles avait suffi pour rendre la conversation générale. À présent, les propos se croisaient, les plaisanteries se hâtaient de franchir le rempart du fleuve roux, et les rires sonnaient sous les ombelles des papyrus.

— Ce que je ne comprends pas, dit un autre Celtibérien au bout d’un instant, c’est que l’on puisse songer à se battre sous un ciel d’une pareille beauté.

— Ah ! oui, il fait bon ici ! soupira Damippus, le petit pêcheur de Lacédémone. Il fait bon ici plus que partout ailleurs ; on y oublierait même sa famille et sa véritable patrie. Comment Marcellus peut-il songer à détruire une ville aussi admirable ?

— Eh ! répartit un soldat de l’armée romaine, ne pourrait-on reprocher aux Syracusains d’entretenir dans leurs propres murailles un foyer de discorde autrement dangereux ? N’avez-vous pas confié vos intérêts les plus sacrés à des Carthaginois, les plus méchants et les plus menteurs des hommes ?

— C’est peut-être vrai, fit Damippus ; mais peut-on savoir ? Il n’y a pas de pays, dit le proverbe, qui rende les hommes tout à fait bons ou tout à fait