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les vierges de syracuse

tiques, ils s’amusaient à pêcher l’anguille dans les eaux rousses du fleuve. En face d’eux, séparés seulement par la largeur du courant, d’autres petits soldats, les dernières recrues de l’armée syracusaine, jetaient aussi leurs lignes aux eaux poissonneuses. D’abord on s’était regardé sans rien se dire, comme il convient entre ennemis, chacun ayant conscience de la force irréductible qu’il représentait. On savait qu’on ne devait pas frayer ensemble et que les vagues d’or que le fleuve roulait à travers les deux haies de papyrus, formaient d’un rivage à l’autre une ligne de démarcation infranchissable. Mais c’était pourtant le même soleil tiède qui caressait tous ces jeunes fronts ; c’était la même flore embaumée qui pénétrait subtilement leurs narines. Et c’était aussi un même désir d’entente fraternelle et de gaieté que leur apportait la brise souple avec l’écho des danses lointaines et des chants de flûte…

Pourtant on se taisait encore ; on se contentait d’examiner à la dérobée, sans jalousie, les souples anguilles à gaine d’argent, capturées par les mains les plus habiles.

— En voilà une, dit une voix sonore tout à coup, en voilà une qui avalerait bien la lance de Marcellus, si on la lui donnait en guise d’hameçon !

Sur l’autre rive, un des jeunes mercenaires celtibériens de l’armée romaine se prit à rire :

— On voit que vous êtes du pays, vous. Vous