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les vierges de syracuse

jaune de pollen ou d’ambre liquide : la terre était l’oiseau fabuleux sortant de l’œuf primordial et dont le duvet vierge encore n’avait été pollué par aucune haleine. Et les jeunes femmes, sans y songer, buvaient à longs traits cette ivresse. Et leur cœur, tout à coup, en cet instant, oubliait la poitrine fragile qui l’enfermait pour se perdre dans le sein vaste et apaisant de la nature.

Rhodoclée elle-même avait ralenti sa marche et, les bras passés autour de la taille de Fanie et de Damalis, elle suivait le sentier qui conduisait à l’étang sacré. Bien des pas l’avaient frayé depuis le matin, ce sentier ; cependant l’herbe y était moelleuse encore et, à mesure qu’on s’approchait de la source, une fraîcheur délicieuse se faisait sentir. Et les trois jeunes femmes parlaient à voix basse pour ne pas effaroucher l’âme de Cyané, de la nymphe aux yeux bleus de bleuet qui fut transformée en fontaine à force de pleurer l’enlèvement de sa chère compagne Perséphonéia…

— Je vous disais bien, murmurait Rhodoclée, que nous arriverions en retard. Toutes les musiques ont cessé et maintenant on est autour de l’étang. J’aperçois à travers les roseaux le bandeau d’or de l’hiérophantide.

— Hâtons-nous, hâtons-nous ! répondirent ensemble Fanie et la douce Jacinthe.

Les Vierges, en effet, étaient déjà rangées au