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encore cueilli tous les fruits de l’arbre de l’amour, était devenu triste quelques heures seulement avant de mourir. Et, comme je lui en demandais la cause, il me répondit : « Damalis, ma chère âme, regardez là-bas passer ces nuages. Ils ignorent pourquoi ils obscurcissent la lumière ; ainsi moi-même j’ignore la raison de cette mélancolie qui envahit peu à peu mon cerveau. » Puis il m’attira contre son épaule et garda ma bouche sur la sienne. Ce fut là notre dernier baiser.

Cependant Rhodoclée, des roses aux joues et du rire aux yeux, s’était retournée brusquement :

— Écoutez, écoutez ! On entend déjà résonner toutes sortes de musiques. Quelle gaieté ! C’est à qui chantera le mieux, des flûtes aux lèvres des jeunes filles, ou des fauvettes huppées sur les branchages…

Et, en effet, rien n’était comparable à la calme ivresse de cet après-midi de printemps. C’était une de ces journées rares où véritablement on voyait éclore la vie des plantes couvées sous les ailes chaudes du soleil. Il semblait aux trois jeunes femmes que des fleurs se levaient à leur passage, dans l’herbe nouvelle. Une odeur de miel et de lait naissait des jeunes étamines où butinaient les abeilles et de la tendre écorce des cytises. On eût dit que la terre sortait de l’œuf primordial, toute blanche et verte d’un vert à peine formé, d’un vert