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les vierges de syracuse

Et mille, dix mille, cent mille voix lui firent écho. Vers Ortygie, où dans la solitude dormait l’ancien palais du bon tyran, la foule se rua à pas pressés. Archimède travaillait, comme toujours, l’infini des flots devant lui. Avant qu’il eût pu rien comprendre à cette irruption, il fut saisi par des bras vigoureux, hissé sur des épaules plébéiennes. Et jusque là-haut, au sommet de Tyché que couronnait le Temple de la Fortune, il fut porté à travers la ville, au milieu des acclamations de la multitude. Manifestation glorieuse, par laquelle la vie de tout un peuple s’incarnait dans la personne unique d’un héros. Seul, Orthon au fond de sa boutique, voyant passer le cortège, n’avait pas tout laissé là pour le suivre. Il restait dans l’ombre, le front plissé, la lèvre amère, devant le triomphe d’Archimède. « J’aurai ma revanche, se disait-il, tout n’est pas terminé encore. »

Au Temple de la Fortune, Tyché, l’Océanide bienfaisante, souriait, ayant à ses pieds le frein et la roue, l’éperon et le gouvernail. Elle était la seconde patronne de la ville et l’exécutrice des volontés secrètes de Perséphone, l’auguste Déesse. Elle était celle que l’on remerciait aux jours difficiles, lorsqu’on avait échappé à un grand danger. Archimède fut amené en triomphe jusqu’à son autel. Et là, les cris de bénédiction, les actions de grâces recommencèrent. Le soleil se coucha sur