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les vierges de syracuse

tionner jadis, avait mis sa fortune et son orgueil. Ses galères marchandes pouvaient en un tour de main être transformées en de terribles navires de guerre ; et le Vaisseau-théâtre lui-même, où l’on représentait pour le peuple les tableaux de l’Illiade, était machiné de façon à devenir en cas de conflit le vaisseau-forteresse, le vaisseau-amiral auquel obéissaient tous les autres.

Et certes, à lui seul, ce navire sans pareil dans l’univers écrasait de sa masse géante tout ce qui l’entourait. Baignant dans les vagues d’argent de la mer de Sicile, en face de l’ancien palais du roi, il semblait un autre palais immense et princier, une seconde citadelle imprenable. Le peuple, qui depuis longtemps en entendait vanter les merveilles et qui ne l’avait jamais vu que de loin dans une apothéose de fleurs et de lumière, venait d’être admis à le visiter ; c’était une manière de remonter les courages chancelants et d’augmenter la confiance des Syracusains dans leur fortune. Il était enveloppé d’une double carène en bois de cyprès, et sa coque aurait contenu aisément deux mille hommes. À l’intérieur, on avait ménagé, comme dans une habitation terrienne, des jardins, des étangs et des serres remplies de fleurs rares. Un temple dédié à Cypris s’élevait à l’avant du pont ; du sanctuaire lambrissé d’ivoire, on voyait onduler la masse bleue des flots, tandis que sur le parvis, incrusté de pierres pré-