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les vierges de syracuse

— Vous pouvez les laisser approcher. Dites-leur à tous que l’invincible Artémis veillera sur eux.

Praxilla se tint debout dans l’ouverture cintrée du Portique. Et, l’ayant aperçue, les femmes et les enfants se hâtèrent vers elle. Toute blanche, à l’entrée de ce lieu sacré, la tête nimbée du cercle d’or, elle représentait pour la foule l’idée d’une protection mystérieuse, à laquelle les moins croyants ont recours aux heures de trouble et d’angoisse. Celle qui l’aborda la première fut une très vieille femme qui descendait des hauteurs du Plemmyrium ; elle apportait une offrande pour la Déesse, des fleurs fraîches qui tremblaient dans ses mains ridées.

— Ô très pure hiérophantide, dit-elle à Praxilla, vous êtes jeune, vous ignorez les terribles tourments de la guerre. Moi, je sais. Ceux que j’aimais sont morts il y a longtemps, et mon cœur aussi est mort. Maintenant le sang peut couler sans augmenter le nombre de mes deuils ; mais je viens prier pour toutes les autres, pour les mères, pour les sœurs, pour les épouses… » Sa voix clapotait dans son gosier avec des intervalles de silence, comme de l’eau coulant sur une dalle usée ; et ses yeux semblaient aussi une eau incolore et dormante où se reflétait seulement l’image des choses extérieures. Praxilla s’aperçut dans les prunelles de la vieille désolée, de qui toutes les larmes étaient