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les vierges de syracuse

Sa voix charmante avait pris une intonation prophétique. Dorcas tressaillit :

— Qu’est-ce qui vous fait parler ainsi, Praxilla ? L’Éponyme vous aurait-il donné un avertissement secret ?

— Non. Rien ! Aucune parole n’est sortie de ses lèvres, si ce n’est qu’il nous a recommandé à toutes de redoubler de ferveur dans nos supplications. Mais le danger qui menace Syracuse est certain ; j’en ai reçu des signes qui ne concordent que trop avec l’inquiétude publique. Presque chaque nuit, mon sommeil est troublé par des rêves extraordinaires : je vois une pluie de sang tomber sur la ville, et des épis flamboyants comme des glaives se lever dans les sillons. Oh ! Dorcas, la guerre est prochaine, la cruelle guerre…

Un sanglot gonflait sa poitrine. Et Dorcas, habitué à la connaître d’après les moindres tressaillements de ses gestes et de ses paroles, restait immobile et muet auprès d’elle. Une surprise indicible le prenait à voir pour la première fois s’affaiblir l’âme énergique de l’hiérophantide. N’avait-elle pas été élevée comme lui, comme eux tous, les Doriens et les Doriennes de Syracuse et de Sparte, dans l’idée, dans l’espoir même de la bataille qui avait affermi leur empire sur la surface du monde et augmenté leur patrimoine de gloire ? Et Praxilla, par le fait même de son sacerdoce, n’était-elle pas