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les vierges de syracuse

Dorcas ne répliqua rien ; il craignait que l’accent passionné de ses paroles ne trahît à son tour la secrète ardeur de ses sentiments ; c’était bien assez que son visage pût être pénétré par les yeux voilés de l’hiérophantide, qu’elle vît son trouble, son émotion grandissante, chaque fois qu’il se retrouvait auprès d’elle. D’ailleurs elle allait parler encore ; s’expliquant avec plus de calme, elle reprit :

— Avec la mort d’Hiéron, que de choses changées autour de nous ! Je ne vous ai pas vu depuis la veille de ce triste jour. Nous nous étions rejoints dans le passage secret, près du Portique. Vous en souvenez-vous ? Et vous me disiez : Zeus soit loué de prolonger ainsi l’existence d’un si bon roi !

— Je m’en souviens, fit Dorcas. Hélas ! il ne faut jamais se flatter des bénédictions divines, car jamais on ne les mérite entièrement. Sait-on, lorsqu’on se félicite de voir la lumière, si le lendemain on ne sera pas plongé dans les ténèbres ?

Praxilla poussa un profond soupir :

— C’est vrai ! Les dieux dispensent eux-mêmes aux peuples les bienfaits et les châtiments, et souvent leur main droite qui tient la Justice est plus largement ouverte que la gauche qui tient la Clémence. Croyez-moi, Dorcas, le moment est proche où il faudra des holocaustes humains pour apaiser la colère du grand Zeus.