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les vierges de syracuse

La bête énorme fut approchée ; elle semblait vivante, tant ses naseaux et sa croupe avaient les frémissements de la nature. Théodote s’y glissa docilement, et le brasier au-dessous fut allumé.

D’abord on n’entendit rien. Les princesses entre elles se regardaient avec inquiétude : si le coupable allait succomber sans avoir révélé le nom de ses complices ! Mais les bourreaux qui se tenaient autour, ayant deviné leur crainte, les rassurèrent :

— Il gémira tout à l’heure, dirent-ils, lorsque les flammes lui arriveront sous les genoux.

Ils ne se trompaient pas en effet. Au bout d’un instant les premières plaintes se firent entendre, confuses d’abord puis de plus en plus hautes et éperdues. Pour en augmenter l’intensité, on introduisit deux flûtes d’ivoire dans les narines du taureau de bronze, et dès lors ce fut un concert formidable où semblaient s’enfler et gémir ensemble toutes les voix de toutes les douleurs. Rugissements du fauve, aboi du chien en détresse, lamentations de la bête surprise et qui veut fuir et que retient la méchanceté du chasseur, tout cela grondait et ululait à la fois dans une sauvage orchestration. Le formidable concert emplissait la vaste chambre, frappait de ses notes révoltées et lugubres, de ses bourdonnements de rage et de colère, les parois retentissantes. Et longtemps cela continua ainsi ; longtemps la voix du supplicié, en passant