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les vierges de syracuse

ses esclaves. Et les anciennes légendes des vices fameux de Denys se réveillaient sur les lèvres apeurées ; on rappelait son avarice qui allait jusqu’à dépouiller les dieux de leur manteau d’or, sa défiance qui le poussait à coucher chaque nuit dans l’une des trois cent-soixante chambres différentes de son palais ; sa luxure qui lui faisait inventer des plaisirs ignorés des autres hommes ; sa cruauté qui lui avait inspiré de suspendre sur la tête de Damoclès pendant toute la durée d’une orgie l’épée menaçante que retenait seulement au plafond le crin léger d’une cavale… Hiéronyme semblait avoir hérité, à travers les siècles, de tout cet amas de corruption, et son adolescence en rendait le scandale plus odieux encore.

Ce soir-là le jeune roi achevait de souper ; sa main enfiévrée tordait le socle fragile d’une coupe incrustée d’opales : Callon, qu’il attendait, tardait à venir, et Hiéronyme s’impatientait. Pourquoi Callon ne venait-il pas, lui toujours si empressé, si docile ? Se serait-il lassé de la faveur dont il était l’objet ? Ou quelque femme peut-être — quelque jeune fille aux seins pointus et aux hanches étroites — l’aurait-elle détourné de servir l’amitié royale ? Cette pensée faisait se crisper davantage la main enfiévrée d’Hiéronyme sur le socle de la coupe incrustée d’opales. Il méditait déjà une vengeance où se soulagerait son cœur : du sang versé,