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les vierges de syracuse

remplaçait le vacarme habituel à la multitude. On attendait. Sans qu’il leur fût besoin de monter ou de descendre le long des travées, des retardataires arrivaient encore, gagnaient leur place dans les galeries qui se trouvaient de plain pied avec les rues environnantes. Appuyé aux flancs d’une colline, le théâtre dominait l’horizon, et chaque Syracusain, en levant les yeux, enfermait dans son regard les splendeurs éparses de la terre natale. La campagne blonde, la mer argentée, la ville blanche, formaient devant lui un triangle éblouissant de lumière. L’Anapos coulait à travers les roseaux assouplis. Le Fort Euryale se dressait comme un géant armé au-dessus des Épipoles. La formidable ceinture de murailles, flanquée de loin en loin de tours rondes, aboutissait là. À la pointe extrême du triangle, le cap Plemmyrium bleuissait, surplombant les flots.

C’était dans ce théâtre que plus d’une fois — dépassant en grandeur tragique les drames d’Euripide ou de Sophocle — s’étaient jouées les destinées de la patrie. Timoléon, devenu aveugle, s’y rendait à la dernière période de son existence, lorsque des circonstances graves l’obligeaient à prendre l’avis du peuple. Il arrivait, assis sur son char, au milieu des acclamations unanimes ; et d’avance il était sûr que ses discours recueilleraient tous les suffrages… Mais aujourd’hui une émotion différente étreignait les cœurs, et dans ce silence grandissant jusqu’à