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les vierges de syracuse

venaient de s’éteindre, ne formait plus dans l’ombre qu’une masse confuse : alors les acclamations subitement éclatées se tournèrent vers le palais somptueux et clair où Hiéron de sa terrasse avait suivi le spectacle. Le vieillard était debout dans la majesté de ses cheveux blancs. Il portait ses quatre-vingt-six années comme une couronne d’asphodèle sur le front d’un dieu. Et il souriait à son peuple qui envoyait vers lui l’élan de sa joie. Longtemps les acclamations retentirent encore : « Vive Hiéron, notre roi ! le bon tyran ! » On lui pardonnait volontiers d’être le fils d’une esclave, lui qui était devenu le père de la liberté. On tendait vers lui des mains reconnaissantes ; des femmes lui jetaient des baisers ; un adolescent, juché sur le faîte d’une colonne, cria plus fort que les autres : « Vive Hiéron ! Vive le bon tyran ! » Et il ajouta en baissant la voix : « Puissent ses fils lui ressembler ! » — mais ces mots se perdirent dans l’exaltation générale.

Cependant la nuit était à peu près venue ; par la digue très large qui reliait l’île d’Ortygie au reste de la ville, la foule s’écoulait lentement ; le Pégase continuait à briller dans ces demi-ténèbres ; la mer bleue remplissait de ses vagues toute l’étendue des deux ports : alors à la pointe extrême de l’île, là même où dans une grotte entourée d’un portique infranchissable coulait la source sacrée