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les vierges de syracuse

Orthon avait peut-être été le seul à se réjouir ouvertement de la mort de l’héritier royal. Dans sa boutique, penché sur le coin qu’il burinait, il ne se gênait pas pour confier son sentiment à Gullis qui, debout, attendait le passage des funérailles. Il était dix heures du matin et le convoi devait défiler dans un moment. En face de la boutique, et partant d’un des côtés du théâtre, s’allongeait la rue du cimetière où, droits comme les fuseaux des Moires, montaient les cônes aigus des cyprès. Et l’avenue se prolongeait ainsi, en plein cœur de la ville, depuis le théâtre jusqu’aux plateaux de Tyché. De sa porte, Gullis en embrassait toute l’étendue,

— Ça en fait toujours un de moins, grommelait l’orfèvre. Mais ce n’est pas celui-là qui me tenait le plus au cœur ; il y en a deux autres que je voudrais voir aller chez Plouton.

— Oui, dit Gullis sans se retourner : le roi Hiéron et Dorcas. Pour le premier, il y a des chances que tes vœux soient bientôt exaucés : un vieillard de quatre-vingt-seize ans ! Quant à l’autre, tu peux attendre ; il n’a pas l’air d’avoir envie de mourir !

— Patience ! répliqua Orthon, je ne suis pas pressé. La vengeance doit être savourée lentement. Quand le chat tient la souris dans ses pattes, il la retourne plus d’une fois avant de l’avaler.

Son front se plissa d’une multitude de petites rides vermiculaires, tandis que ses mains agiles