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les vierges de syracuse

silencieusement, dignement, comme il convient aux habitants d’une cité de six cent mille âmes, dont chaque quartier forme pour ainsi dire une ville à part. Il y avait dans l’air de la délicatesse et comme un parfum de bon ton. Une lumière fine, ambrée, pareille à celle des premiers après-midi de printemps, faisait ressortir les parures discrètes des femmes, et les riches broderies dont les manteaux des hommes étaient ornés. Tout à coup, on vit Archimède s’échapper du Portique des Thermes sans autre vêtement que sa barbe grise, encore trempée d’eau, qui formait deux gouttières le long de ses côtes. Et ainsi, tout nu et ruisselant, il s’élançait à travers les groupes, bousculant les promeneurs et poussant un seul cri toujours le même : Eurêka ! Eurêka !

— Il est devenu tout à fait fou ! disaient les ravaudeuses et les fileuses assises devant leur maison.

— Cela devait finir ainsi. À vouloir en connaître autant que les dieux l’homme tombe au-dessous de la bête.

Et Archimède courait toujours. Quelqu’un voulut lui jeter un vêtement au passage ; mais l’étoffe glissa à terre, après avoir flotté quelques instants sur ses épaules. On se détournait de lui, n’osant l’arrêter, car c’était une superstition populaire qu’il ne fallait pas toucher à un homme qui avait perdu la raison. Ainsi il parcourut la longue rue de