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les vierges de syracuse

souffrait de ne pouvoir résoudre celui-là, si simple en apparence, si complexe en réalité. Son amour-propre s’y intéressait moins encore que sa passion pour la science. Il était allé trop loin dans l’étude des lois de la nature, pour admettre que nulle barrière pût jamais l’arrêter dans ses investigations. Moralement il était sûr que la solution existait, qu’il devait y avoir un moyen de donner satisfaction à Hiéron, sans détériorer le travail de l’orfèvre. Et, ne trouvant pas, il accusait son esprit d’être infirme et borné ; il doutait de son propre génie, oubliant devant cette actuelle impuissance toutes les admirables découvertes qui avaient auréolé son front de plus de gloire qu’aucun homme vivant n’en eût jamais possédé.

En ce moment il était pitoyable à voir, le grand Archimède, hagard et pâle, les vêtements en loques et la barbe broussailleuse. On eût dit son corps une maison inhabitée, où la poussière et les moisissures s’entassaient à plaisir. Et de fait son âme était continuellement absente, à la poursuite de ses rêves. Sur cette place brillante du Timoléontium, au milieu de tant de splendeurs assemblées, l’hôte glorieux du palais d’Hiéron apparaissait comme un troglodyte échappé de sa caverne ; il eût effrayé les femmes et les petits enfants si, pareil au divin Homère, il eût parcouru les campagnes avec le bâton du voyageur : mais, dans Syracuse,