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devant lui. Maintenant il écoutait, à côté de Dorcas, qui se tenait debout près de la chaise d’ivoire et d’or.

— Je suis vieux, dit lentement Hiéron : j’ai régné soixante ans sur mon peuple ; et pendant ces douze lustres mon ambition la plus chère a été de faire refleurir dans la ville les libertés qui l’avaient rendue si grande aux temps de Timoléon et de Hiéron Ier, mon aïeul. Pour cela j’ai cultivé tour à tour l’amitié de Carthage et celle de Rome, comme un matelot navigue entre le double écueil de Scylla et de Charybde, dont les vagues avides voudraient l’engloutir. Mais la nuit rend le pilote craintif : que deviendront après moi ces libertés que j’ai reconquises une à une ? — que deviendra la gloire de Syracuse et sa beauté ? Gélon, vous le savez, est déjà marqué par la mort, et peut-être descendra-t-il avant moi dans la tombe. Ce sera donc Hiéronyme, cet enfant vicieux et cruel, qui portera dans ses mains le précieux fardeau. J’ai horreur d’y penser. Cette obsession trouble et empoisonne ma vieillesse. Or tout à l’heure, en présence du peuple assemblé, un désir immense me poussait à descendre les marches de mon trône, et, prenant à deux mains ma couronne sur mes cheveux blancs, de la déposer au milieu de l’autel où était rangée l’hécatombe. On eût alors gravé ces lignes dans le marbre : « Le roi Hiéron a fait construire cet autel pour y déposer sa cou-