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les vierges de syracuse

— Oui, répondit Archimède ; la bonté est préférable au savoir autant que le miel qui adoucit la bouche l’est au vin qui excite et enorgueillit le cerveau.

On était arrivé dans la salle où la famille royale avait coutume de se réunir vers le soir, autour du souverain nonagénaire. Tout y était aménagé pour l’intimité, et rien n’y rappelait le pouvoir suprême, sinon la haute chaise à dossier d’ivoire, surmontée d’une petite Victoire d’or, que le roi seul avait le droit d’occuper. Il s’y assit ; et Dorcas aussitôt lui retira du front sa lourde couronne. Archimède, selon l’habitude qu’il en avait, marchait de long en en large, poussé par l’ardeur de ses pensées. Cependant, après avoir déambulé quelques instants en silence, il s’arrêta devant Hiéron et lui dit :

— Eh bien ! mon cousin, êtes-vous content de votre journée ? L’enthousiasme du peuple a-t-il répondu à votre attente ?

— Tout a été parfait, dit le roi ; il ne manquait que la présence de Gélon et la vôtre.

— Je n’aime pas à voir verser le sang, fit Archimède.

Il se tut, et le roi ne répliqua point. On disait à la cour que l’illustre savant suivait en secret la doctrine de Pythagore, qu’il croyait à un dieu unique auquel l’homme ne doit offrir en sacrifice que des hosties non sanglantes. En tout cas, sa con-