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les vierges de syracuse

réjoui des Gorgones, puis en ruisseaux épars le long de la fresque héroïque, puis au milieu de la place en un lac épais et stagnant, dont la nappe, de minute en minute, se faisait plus haute. À ce moment dans la foule plusieurs personnes s’évanouirent, tant l’effusion de cette denrée fauve et brûlante mettait dans l’air une animale fadeur. Cependant, Hiéron, immobile sur son estrade, assistait au sacrifice ; et il remerciait dans son cœur le Zeus tout puissant, protecteur éternel des fils d’Hellen, d’épargner le sang de son peuple et d’accepter en échange celui de ces bêtes inutiles. Le sang coulait. Toute rumeur s’était tue ; on n’entendait plus que la voix du grand-prêtre qui, les bras levés, priait pour la ville. Dans les dernières torsions de l’agonie, les cent cinquante taureaux noirs pantelaient sur le marbre blanc. Et le regard du vieux roi se porta sur le jeune Hiéronyme, debout lui aussi au bord de l’estrade. L’enfant, subitement grandi et adolescent presque, passait sur ses lèvres rouges une langue ardente : ses yeux petits et cruels fourmillaient d’une joie féroce, et toute son âme — c’était visible — accourait dans ce sang, s’y réfugiait, y nageait dans une ivresse charnelle. Et tandis que l’odeur attiédie s’affadissait encore et faisait tournoyer les corbeaux au-dessus de la Syracuse aux mille couronnes, l’enfant royal, les poings crispés, les narines ouvertes,