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les vierges de syracuse

coup le général Himocrate en personne, qui sortait de la citadelle et s’avançait au milieu de la foule. Alors il fit semblant de vanter sa marchandise et continuant à brandir le végétal énorme :

— Voyez ce lupin ! En trouveriez-vous un pareil sur tout le marché ? Il contient plus de grains qu’il n’en faudrait pour servir de tessères au théâtre à tout le peuple de Syracuse, et une famille entière pourrait se nourrir de sa chair pendant huit jours !

Cependant, parmi la foule, on était loin de montrer la même souplesse d’esprit que le maraîcher, et la présence du général en costume de sa charge avait au contraire exaspéré les mécontentements. Le même personnage, qui tout à l’heure avait parlé le premier contre Himocrate, mit sa main en tuyau devant sa bouche et cria : « Le Pétalisme ! » Et aussitôt, non point comme un écho affaibli mais comme une clameur grossissante, des milliers de voix répétèrent : « Le Pétalisme ! le Pétalisme ! »

Himocrate pâlit, mais ne sourcilla point. Il savait bien ce que signifiait cette menace, cette exclamation comminatoire. Le Pétalisme, c’était la ressource suprême du peuple de Syracuse, lorsque, excédé par les exigences d’un tyran ou les menées perfides d’un citoyen, il voulait à toute force se débarrasser de lui. Le Pétalisme, c’était l’exil voté d’acclamation par la foule, le nom du proscrit tracé à la hâte sur les feuilles légères de l’olivier, le