Page:Bertheroy - Les Vierges de Syracuse.djvu/112

Cette page a été validée par deux contributeurs.
94
les vierges de syracuse

geois de la ville et que les ouvriers des deux ports. Sur cette place immense où toutes les classes se coudoyaient — les riches ne dédaignant pas d’y descendre eux-mêmes pour choisir quelque bon morceau — elle allait et venait, semant des paroles, et emplissant tour à tour de sa remuante personne les boutiques et la colonnade.

Autour d’elle, à vrai dire, on n’était pas moins agité : la nouvelle s’était répandue depuis la veille que grâce à une intervention heureuse du roi Hiéron, les Syracusains étaient désormais tenus quittes du dernier tribut de cent talents que Rome jusqu’ici avait exigé d’eux pour prix de son alliance. C’était la liberté totale si longtemps rêvée, l’affranchissement absolu. Et l’on s’abordait, le sourire aux lèvres ; on s’interrogeait avec une joie patriotique dans les yeux : « Comment cela s’est-il fait ? Il doit y avoir là-dessous une raison que l’on ignore… — Attendez un peu. Le roi réunira sûrement l’assemblée du peuple et alors on saura tout. »

Mais Gullis intervenait triomphante :

— Attendre ! ce n’est pas la peine, je vais vous expliquer, moi. C’est à la suite de la bataille de Trasimène où les Romains ont été si bien taillés en pièces par les Carthaginois — que même leur consul Flaminius en a eu la tête coupée ; — le roi Hiéron qui n’aime pas beaucoup les soldats de Rome, mais qui déteste encore plus ceux de Car-