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les vierges de syracuse

Fanie avait désigné. Il y poussait en effet des tamaris clairs et onduleux, dont la fleur était aussi légère que le feuillage, et des arbres de Judée chargés de corolles ouvertes qui formaient de larges bouquets violets sur la nacre transparente du ciel. C’était là que le pasteur Aristée avait eu longtemps sa statue, que l’on avait transportée depuis dans le temple de Bacchus-Eleuthéros ; mais sa présence régnait encore parmi ces ombrages, et les abeilles bourdonnantes se souvenaient de l’avoir connu. Dorcas, qui avait toujours présents à l’esprit les mythes gracieux de l’histoire de Syracuse, s’exalta à les évoquer ; en cet instant il se sentait comme éternel, relié dans sa vie fragile au passé et à l’avenir par la chaîne des traditions de sa race.

— Vois, dit-il à Fanie, combien il est doux d’appartenir à une souche puissante et de savoir que palpite dans nos veines le même sang qui anima les premiers aèdes sicélides ; nous nous éteindrons à notre tour, Fanie, ma petite lumière ; les Heures circulaires nous emporteront dans leur ronde ; mais d’autres après nous viendront à cette place rechercher les traces du pasteur, ami des abeilles, et s’attendrir comme nous à son souvenir.

Fanie sourit ; l’enthousiasme de Dorcas lui plaisait, parce que cet enthousiasme faisait s’allumer dans les prunelles noires du jeune époux des