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les vierges de syracuse

deux à deux, ramenaient leurs génisses blanches. Et les vergers de Syracuse, célèbres dans le monde entier pour leur douceur, entouraient la ville d’un collier formé des rubis rouges de leurs fruits et de l’émeraude verte de leurs feuillages. Des chants heureux sortaient des haies épaisses d’agaves, ainsi que des hauts roseaux qui enfermaient le cours de l’Anapos et la source de la vierge Cyané, la source bleue de bleuets. Une poésie abondante et pure coulait à pleins bords des eaux murmurantes et des lèvres des bergers ; ils célébraient la douceur du climat sicilien et la beauté d’Ortygie, couchée sur les flots, toute pareille à une jeune fille qui nage offrant à la vague sa tête, sa poitrine et ses bras étendus, et appuyant ses pieds à la terre. « Là seulement, disaient-ils, le bouvier est le voisin du nocher, et le chevrier s’entretient avec le pêcheur ; l’un joue de la flûte sur le rivage, tandis que l’autre retire ses filets ; la charrue sillonne les champs tout à côté de la rame qui sillonne les flots : la forêt côtoie la mer, et l’on entend en même temps le retentissement des ondes, le mugissement des bœufs et le gazouillis des ombrages. » Nulle part peut-être plus qu’en ce coin de l’univers l’homme n’associait les joies de la nature à ses joies, sa tendresse à ses tendresses ; les couples qui cheminaient la main dans la main, le long des sentiers, songeaient d’abord à célébrer