Page:Bertheroy - Les Vierges de Syracuse.djvu/101

Cette page a été validée par deux contributeurs.
83
les vierges de syracuse

— C’est que, vois-tu, — dit Fanie, en lui passant les bras autour du cou, — je me demande parfois si tu ne te fatigues pas de cette grande joie paisible de notre amour. C’est comme un lac sans rides dans lequel nous naviguons ; et les hommes hardis comme toi, Dorcas, doivent préférer aux enchantements des lacs sans naufrage l’attrait tumultueux des tempêtes.

Dorcas avait un peu pâli ; il descendait au fond de sa conscience, et cherchait si son héroïque amour pour l’hiérophantide pouvait entraver le cours de ses tendres sentiments d’époux.

— Non, non ! reprit-il enfin ; sois tranquille, ma douce Fanie. Dorcas te jure de te conserver toujours la même fidélité. Il te le jure devant les ondes sacrées de la mer, où vivent les dauphins amis des hommes.

Et comme si ce serment l’eût soulagé lui-même, il sourit à Fanie, d’un sourire clair dont fut illuminé son visage grave et viril.

Alors tous deux ne songèrent plus qu’à jouir de l’heure présente. Cette soirée d’ailleurs était admirable. Une lumière vibrante et tiède, fine et rosée mettait à découvert très loin la face renouvelée des choses. On voyait se découper en vives arêtes taillées dans le marbre, la haute structure des montagnes inaccessibles, et plus bas ondoyer les pentes ombreuses du Thymbris, d’où les bouviers,