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le colosse de rhodes

des mûriers, que l’on avait creusé la fosse au fond de laquelle les adeptes allaient recevoir le baptême purificateur. On attendait pour le sacrifice l’instant tragique où le soleil disparaîtrait dans le rouge Occident…

Likès et cinq autres jeunes Rhodiens s’étaient couchés au fond de la fosse ; des poutrelles à jour la recouvraient, et sur cette estrade branlante le taureau avait été amené ; un voile jeté sur sa tête devait lui épargner l’horreur de la péripétie suprême. La foule silencieuse attendait toujours ; puis, comme l’horizon tout à coup se teignait de nuées violettes, l’un des dadophores, celui qui jusque-là avait tenu la torche funèbre, fit un signe et le sacrificateur plongea le couteau à double tranchant dans les flancs de la bête immobile. Alors on ne vit plus que du sang. Le sang giclait de la blessure profonde et se répandait en pluie dans la fosse, tandis que, debout encore, le taureau chancelait, lent à exhaler son dernier souffle. Le sang éclaboussait le visage des prêtres et les vêtements des profanes. Le sang inondait le bois des poutrelles et courait en ruisseaux le long des mûriers. Une odeur âcre et puis-