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le colosse de rhodes

— Je ne regrette rien, dit Dornis, car j’ai connu un bonheur sans mélange. Que pourrais-je demander de plus aux dieux ? À l’âge où le désir s’éveille, ils ont envoyé dans ma couche un époux jeune, aux membres parfaits ; tant que nous avons vécu ensemble, nous avons goûté toutes les délices de la volupté. Puis un jour il est mort, emporté par les Moires rapides ; et j’ai béni les dieux que notre bel amour n’ait pas subi la flétrissure des années, — car les choses qui durent deviennent des serpents, dit le proverbe de Crète.

— Hélas ! fit Lyssa à voix basse, moi, je n’ai eu ni les transports de l’amour heureux ni les délices de la volupté ; ma vie conjugale fut unie comme un lac sans rides que ne caresse aucune brise embaumée. Selon la coutume de la Carie, c’est mon frère qui devint mon époux lorsque parurent sur notre corps les premiers signes de la puberté ; et nos embrassements furent chastes, même alors que s’accomplissait en nous le mystère charnel. Sa main tenait la mienne si tendrement quand nous nous endormions côte à côte que j’aurais rougi de penser à lui