Page:Bertheroy - Le Colosse de Rhodes.pdf/308

Cette page a été validée par deux contributeurs.
298
le colosse de rhodes

ble les barques rentraient comme des brebis pressées ; il n’apercevait pas leurs voiles blanches, leurs carènes peintes de jaune ou de carmin. Il se hâtait, décidé à ne rien changer à sa vie avant d’avoir revu Lyssa. Mais une main rude se referma sur son coude. Machaon qui depuis un moment suivait sa piste l’avait rejoint. Essoufflé, le vieil esclave lui parla d’abord par signes, puis par mots entrecoupés : Isanor venait de rendre le dernier soupir, et Namourah, dans l’angoisse de cette minute funèbre, attendait Likès à l’instant même.

Machaon n’avait pas lâché le bras du jeune mastère ; il l’entraînait vers l’Arsenal. Les deux hommes, sans échanger un mot, se glissaient parmi la foule indifférente. Nul ne se doutait qu’ils couraient pressés par la Mort dont la faux est plus impatiente que celle du Temps. Ils couraient, pressés par la Mort qui leur montrait le chemin. Likès, expulsé violemment de lui-même, ne voyait plus que l’image de Namourah, pantelante, échevelée, hagarde, devant le cadavre d’Isanor. Et les gens qu’il coudoyait, les objets qui se succédaient sous ses yeux devenaient