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le colosse de rhodes

heureuse, Likès, si heureuse que tu emportes un peu de moi-même !

Likès la contemplait, ému :

— Et moi, que te donnerai-je en échange ?

— Rien ! Je ne veux rien, ni promesse, ni offrande. En ai-je exigé lorsque je me suis livrée à toi ? À quoi d’ailleurs servent les serments et les paroles ? C’est le cœur et non point la volonté qui décide de l’amour. C’est lui qui ravit ou qui tue, qui suscite la joie ou le désespoir. C’est ton cœur, Likès, que je veux, et, pour me le donner, il faudrait t’ouvrir la poitrine.

Elle riait encore, mais un peu de l’émotion de Likès l’avait gagnée.

— Asseyons-nous, dit-elle, et écoutons la chanson des peupliers.

La brise qui précède le crépuscule s’était levée et faisait doucement frémir les feuillages. Des harpes invisibles vibraient aux branches. Leurs accords se prolongeaient dans le silence, s’enflaient ou s’apaisaient, comme des soupirs sortis de poitrines d’hommes. Il y avait des murmures et des sanglots dans ce concert éolien que le vent arrachait à l’âme des grands peupliers,