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CLÉOPÂTRE

plus s’altéraient ; sa face devenait transparente ; la mort était là, occupant déjà cette enveloppe, prenant peu à peu possession de cette chair et de cet esprit et les tenant immobiles sous la stupeur de ses affres.

Devant cette agonie, Cléopâtre eut un long gémissement :

« Non, pas ainsi ! Ne meurs pas ainsi ! Attends encore. Tu sais, cette liqueur que tu aimais ? Laisse-moi t’en verser ; nous en boirons ensemble, comme autrefois…. »

Elle se releva et courut chercher une coupe, qu’elle emplit jusqu’aux bords d’un breuvage ambré. C’était sa coupe de prédilection, celle dont elle se servait chaque jour et sur laquelle le médaillon d’Antoine et le sien étaient modelés en relief.

Elle y trempa ses lèvres et l’approcha ensuite de la bouche de son amant.

Alors, le triumvir retrouva un peu de force ; il se souleva et ce fut à longs traits, lentement, qu’il but, dans un recueillement de toutes ses puissances en cette libation dernière. Quand il eut achevé, Cléopâtre voulut lui reprendre la coupe où quelques gouttes restaient encore.