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CLÉOPÂTRE

les bruits confus ; elle préférait s’abîmer dans le recueillement, en face du dieu à tête de bélier. D’ailleurs, initiée par les confidences de Cléopâtre aux doctrines secrètes de l’Égypte, elle voyait dans ces figures tangibles, parfois bizarres, et dans les emblèmes multiples de la divinité, les agents d’une pensée supérieure et essentielle. Pour elle, qu’il s’appelât Amon, Sérapis, Kneph, le chef des diverses trinités égytiennes était toujours « ce dieu un, unique, le seul qui vive en substance et qui ne soit pas engendré ; le père des pères, la mère des mères[1] » ; et son esprit se perdait « au fond de l’océan primordial dans lequel, au commencement, flottaient confondus les germes des choses[2] ».

Le lendemain la Libyenne exigea qu’on se remît en marche pour Augila ; les bêtes s’étaient reposées, les provisions avaient été renouvelées ; mais les hommes, fatigués de leur nuit de plaisir, somnolaient sur leurs montures dont le pas lent et régulier les berçait. De nouveau apparut le désert vague ; pendant plusieurs jours

  1. Livre des morts ou Rituel funéraire, chap. xvii, 1.
  2. G. Maspero, Hist. anc. des peuples de l’Orient.