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CLÉOPÂTRE

la voix, en poussant des cris rauques et inarticulés ; et, d’un même mouvement, ils tanguaient, les reins tendus, les épaules voûtées, emportés en arrière par le poids énorme du bâtiment, avançant quand même par la puissance de l’effort commun ; une sueur épaisse coulait sur leur corps déjà mouillé par l’eau du fleuve et y formait par places une seconde couche visqueuse. Plusieurs s’affaissaient sous le poids, cherchant vainement à se relever ; leurs pieds glissaient dans la vase comme ceux de chevaux embourbés ; mais, sans que la manœuvre en fût interrompue, d’autres venaient prendre leur place sur un signe impérieux de Kaïn.

Pendant plusieurs nuits, le travail continua de la sorte jusqu’à ce que les trente vaisseaux de Cléopâtre fussent chargés. C’était juste la moitié de ceux que Marc-Antoine, se défiant avec raison de la lâcheté proverbiale des Égyptiens, avait consenti à leur laisser armer au moment de la bataille d’Actium et sur lesquels la grande reine avait, à tout hasard, fait entasser d’immenses richesses.

Chaque navire était hissé, à mesure, sur un