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LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE

C’était une tradition universelle parmi les alchimistes que la science avait été fondée par le dieu égyptien Hermès : d’où la dénomination d’art hermétique, usitée jusqu’aux temps modernes. Le nom même de l’antique roi Chéops, autrement dit Souphis ou Sophé, suivant les dialectes, figure en tête de deux livres de Zosime[1].

Sans doute, on peut invoquer ici une tendance, bien connue au moyen âge, de la part des inventeurs méconnus ou persécutés : celle de rattacher leur science à des origines illustres et vénérables. Elle existait déjà dans la vieille Égypte, où l'on attribuait aux anciens souverains des ouvrages mystérieusement découverts[2].

La même aventure est arrivée chez les Juifs au temps des rois, lorsque le grand prêtre Helcias tira de l’arche le Deutéronome et le donna sous le nom de Moïse.

Ce système était particulièrement en vigueur chez les chrétiens aux iie et iiie siècles, et nous lui devons une multitude d’évangiles et d’apocryphes, attribués aux anciens prophètes. Les écrits alchimiques que nous possédons, papyrus ou manuscrits des bibliothèques, remontent à la même époque et portent l’empreinte de la même tendance.

Mais le choix même de ces ancêtres apocryphes n’est pas arbitraire ; il repose d’ordinaire sur quelque tradition réelle, plus ou moins défigurée. Les liens qui pouvaient rattacher les idées des alchimistes aux croyances des anciens peuples d’Orient sont aussi

  1. Ms. 2.327, fol. 251 et 260.
  2. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient, p. 74 (1875).