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Le constable et le juge de paix firent atteler un des vieux stages et voilà tous nos gens en route.

Il était alors onze heures du soir.

Le ciel était étoilé. Il soufflait du nord une brise remplie des austères parfums des forêts voisines. Nos voyageurs devaient faire une excursion des plus agréables.

Le trajet entre St-Jérôme et Ste-Scholastique se fit en une heure, en longeant les courbes gracieuses de la Rivière du Nord, sous la double rangée de hêtres et d’érables qui la bordent.

Lorsque Cléophas et son cortège entrèrent dans le beau village de Ste-Scholastique, tous les habitants dormaient. Pas une lumière ne brillait aux fenêtres.

Le constable fit arrêter sa voiture devant la prison et cogna plusieurs coups à la porte pour faire réveiller le geôlier M. Drouin. Celui-ci après quelques instants fit grincer une clé dans la serrure et la lourde porte s’ouvrit pour recevoir le constable et son prisonnier.

Cléophas fut débarrassé de ses liens et conduit dans une cellule.

Le constable alla retrouver les témoins et le magistrat décida que la déposition ne serait prise avant le lendemain matin.

Ursule fut mise en pension chez Lacroix.

Le juge de paix, le constable, Caraquette et Bénoni allèrent prendre une larme chez Scholastique et ensuite ils se couchèrent à l’Hôtel Doré.

Le lendemain matin, un samedi, tout Ste-Scholastique était sur pied. Chacun avait eu vent du crime de St-Jérôme et chacun grillait d’être rendu au moment où il lui serait permis de voir le prisonnier. Jamais excitation semblable n’avait régné dans la place depuis l’affaire des Indiens d’Oka.

Enfin dix heures sonnèrent. Déjà, toutes les banquettes de la cour étaient remplies. Les agents de l’autorité avaient entendu dire que le prisonnier avait agi comme un forcené lors de son arrestation, ils s’étaient armés pour la circonstance. Le shérif Rousille portait son grand sabre et son député Grignon avait à sa ceinture le couteau catalan de M. A. Raby. Enfin le magistrat Valois prit place sur le banc et le prisonnier parut en cour. En le voyant les gens de Ste-Scholastique se disaient les uns aux autres : c’est un vrai « warrox ». C’est lui qui a fait le coup.

Cléophas entendit sans trahir aucune émotion l’acte d’accusation. Lorsque le juge lui demanda s’il était coupable il répondit d’une voix ferme : Non coupable. Après que le greffier eut les déposi-